Loyauté familiale toxique : quand l’amour rime avec injustice

Photo de Tamara Gak
Photo de Tamara Gak
Photo de Tamara Gak

Il arrive que des tensions familiales s’immiscent dans la vie de couple. On pense souvent que “ça passera”, que “c’est la famille, il faut faire avec”. Pourtant, derrière certains conflits répétitifs se cache une souffrance bien plus profonde : celle de se sentir exclu, blessé ou trahi, non pas seulement par la belle-famille… mais parfois aussi par la personne qu’on aime.

 

Quand la loyauté familiale dépasse les limites

Imaginons une situation concrète : quelqu’un est régulièrement malmené par la famille de son ou sa conjointe. Cela peut passer par des non-dits, des remarques déplacées, des silences méprisants, ou encore par des comportements humiliants ou intrusifs. Dans ce contexte, cette personne n’attend pas grand-chose : simplement qu’on reconnaisse ce qui s’est passé, peut-être quelques excuses, ou un minimum de respect.

Cependant, en retour, elle se retrouve seule. Non seulement les excuses n’arrivent jamais, mais son ou sa conjointe continue à rire et à interagir quasi normalement avec ceux qui l’ont blessé. Pire encore, elle peut lui reprocher d’être trop sensible, ou lui demander de “faire des efforts pour le bien des enfants”, ou encore “au nom de leur amour”.

Ainsi, ce type de situation, bien plus courant qu’on ne le pense, illustre ce qu’on appelle une loyauté familiale toxique.

 

Qu’est-ce qu’une loyauté familiale toxique ?

La loyauté familiale est naturelle : nous avons tous besoin d’appartenir à un groupe. Très souvent, ce lien est puissant avec notre famille d’origine. Toutefois, cette loyauté devient toxique lorsqu’elle :

  • empêche de voir une injustice clairement,

  • nie ou minimise la souffrance d’un proche,

  • fait passer la paix apparente avant la justice émotionnelle,

  • exige des compromis qui humilient ou blessent l’un des deux partenaires.

Par conséquent, dans ce type de dynamique, la personne qui souffre peut se sentir invisible, incomprise, voire trahie. Et bien souvent, elle n’ose pas en parler, de peur d’être accusée d’exagérer ou de “créer des problèmes”.

 

Les conséquences sur le couple

Quand la douleur n’est pas entendue, elle finit par creuser une distance. Le partenaire mis de côté peut alors :

  • se refermer sur lui-même,

  • accumuler de la rancune,

  • perdre confiance dans le lien,

  • douter de sa valeur dans la relation.

Pendant ce temps, l’autre partenaire peut ne pas comprendre l’ampleur du mal ressenti. En effet, il ou elle est parfois pris(e) entre deux mondes : la famille d’origine et la relation de couple. Par peur de “faire un choix”, il ou elle choisit parfois… de ne rien faire. Pourtant, l’inaction est elle aussi un choix, et elle a ses conséquences.

De plus, il ou elle peut proposer une solution totalement déséquilibrée à son ou sa partenaire – comme l’écarter (parce que l’autre émotionnellement ne peut pas voir son ou ses « agresseur(s) ») lorsqu’il s’agit de rendre visite à sa propre famille avec les enfants. Le ou la partenaire qui souffre ne se sent alors ni entendu(e), ni soutenu(e), face à une situation vécue comme profondément injuste.

 

Trouver un espace pour poser les choses

Heureusement, il est possible de sortir de cette impasse. Il ne s’agit pas forcément de couper les liens familiaux, mais plutôt de nommer les choses avec honnêteté. Cela passe par :

  • la reconnaissance de la blessure subie par son ou sa partenaire,

  • la mise en place de limites claires, même avec sa propre famille,

  • l’acceptation que la paix durable nécessite parfois un inconfort temporaire,

  • la reconstruction d’un lien de couple basé sur le respect mutuel.

En tant que psychopraticien(ne), je constate souvent que ce n’est pas l’événement en lui-même qui détruit le lien… mais le silence qui suit. Ce silence qui dit : “ce n’est pas si grave”, “tu dois faire avec”, “ta douleur passe après”.

Or, chaque émotion non reconnue laisse une trace. Et, avec le temps, ces traces peuvent devenir des cicatrices difficiles à refermer.

 

Et les enfants dans tout ça ?

On évoque souvent les enfants pour justifier le maintien des liens familiaux à tout prix. Toutefois, les enfants ne tirent pas leur sécurité d’une simple apparence de bonne entente. Bien au contraire : ils puisent leur stabilité dans la solidité émotionnelle de leurs parents.

Ainsi, voir un parent souffrir en silence, être écarté ou méprisé, crée une confusion affective bien plus dommageable qu’une vérité exprimée avec calme, nuance et respect.

Gérald Meyer

Gérald Meyer Psychopraticien auprès des adultes, adolescents, couple et famille